Plus de 100 jeunes filles ont été enlevées dans leur lycée de l’État de Borno, dans le nord-est du Nigeria, par des islamistes armés de Boko Haram, une opération sans précédent dans un pays déjà miné par les attaques terroristes du groupe. Cette opération à grande échelle a été menée lundi soir, a déclaré à l’AFP une source sécuritaire nigériane. Le même jour, une gare routière sur le territoire de la capitale fédérale, Abuja, était frappée par un attentat qui a fait au moins 75 morts et 141 blessés, le plus meurtrier jamais commis dans les environs de la ville. Des lycéennes, originaires de la localité de Chibok, dans le sud de Borno, ont réussi à échapper à leurs ravisseurs en sautant du camion qui les emmenait, au milieu de la nuit de lundi à mardi, selon plusieurs témoins.
Selon une source sécuritaire, les ravisseurs sont membres du groupe islamiste armé Boko Haram – dont le nom signifie « l’éducation occidentale est un péché » en langue haoussa. Boko Haram a régulièrement pris pour cible des écoles au cours de son insurrection, qui a fait plusieurs milliers de morts depuis 2009.
Interrogée à propos d’une information publiée dans les médias, selon laquelle 200 jeunes filles auraient été enlevées lundi par des islamistes dans un établissement scolaire de Chibok, la source sécuritaire a répondu que « leur nombre ne s’élève pas à 200, mais il y en a plus de 100 ». Les hommes armés sont arrivés « dans des camions et sur des motos et ils se sont dirigés vers l’école », selon Salisu Ibrahim, un habitant, dont le témoignage coïncide avec celui d’autres personnes sur place.
Échanges de tirs
Il y a eu des échanges de tirs pendant plusieurs heures, mais les islamistes « ont fini par vaincre les soldats » et sont entrés dans le lycée public pour filles de Chibok, selon Emmanuel Sam, responsable de l’éducation pour cette localité. Les jeunes filles ont été embarquées sur des camions par des islamistes qui les ont emmenées, selon plusieurs témoins. Les forces de l’ordre ont pu « suivre les traces d’un camion » qui a emmené les jeunes filles et ont retrouvé le véhicule « hors service dans les broussailles », a précisé la source sécuritaire. « Nous tentons maintenant de localiser les jeunes filles enlevées », a-t-elle ajouté.
Boko Haram multiplie les actions violentes dans la moitié nord du pays, au risque de déstabiliser les États voisins, en premier lieu le Cameroun. Les attaques meurtrières sont quasi-quotidiennes dans certains États du nord-est, pourtant sous état d’urgence depuis des mois et quadrillés par l’armée. Le groupe, considéré comme une organisation terroriste par Washington, a été impliqué ces derniers mois dans l’enlèvement de plusieurs Français à la frontière poreuse du Nigeria et du Cameroun, qui ont depuis été libérés (la famille Moulin-Fournier et le père Georges Vandenbeusch).
L’État de Borno, fief historique de Boko Haram, où le groupe a été fondé il y a plus de dix ans, est une région peu développée, avec des routes en mauvais état, et où la misère est criante.
Des élèves comme « cibles »
Au cours d’une précédente attaque cette année dans l’État de Borno, des assaillants de Boko Haram avaient encerclé une école de filles, faisant sortir toutes les lycéennes et leur ordonnant de regagner leur village immédiatement. Les membres de Boko Haram ont également mené plusieurs attaques sanglantes contre des élèves, la nuit, alors qu’ils dormaient dans leur pensionnat, dans le nord-est du pays, suscitant une vive émotion de la communauté internationale. En février, des insurgés avaient lancé des explosifs à l’intérieur du dortoir d’un lycée de Buni Yadi, dans l’État de Yobe – voisin de l’État de Borno -, en pleine nuit, avant de tuer 43 élèves dans leur sommeil avec des armes à feu et des armes blanches. En septembre 2013, au moins 40 élèves avaient été tués dans un collège d’enseignement agricole dans la ville de Gujba, dans le même État de Yobe. Des membres de Boko Haram y avaient déjà attaqué des dortoirs, tirant sur les élèves pendant la nuit.
Les violences de Boko Haram ont particulièrement touché le système éducatif dans l’État de Borno, où plusieurs écoles ont été obligées de fermer. Mais aucun enlèvement de masse visant des jeunes filles n’avait été signalé dans cette région par le passé.
AFP