Les cours de morale à l’école ne seront pas « laïcs », mais « civiques », déclare aujourd’hui Vincent Peillon. Ce revirement fait suite aux nombreuses critiques dont le projet a été l’objet.
Le mot « laïc » disparaît du projet de Vincent Peillon. Le rapport sur la mise en place de cours de moral à l’école, remis lundi au ministère de l’éducation, prône désormais la création « d’un enseignement moral et civique » pour la rentrée 2015. Dès la deuxième page, les auteurs estiment que le seul caractère non confessionnel ne suffit pas à définir un corpus de valeurs acceptables pour tout le monde. Ce qui compte, expliquent-ils, c’est que ces cours soient en « lien étroit avec les principes et les valeurs de la citoyenneté républicaine et démocratique ».
Ce changement sémantique a l’avantage de lever une ambiguïté : le terme de « morale laïque » a sonné comme une déclaration de guerre. Pourquoi, en effet, cette précision, qui semble reléguer les religions comme des morales de seconde zone ? « Le bien et le mal sont des notions universelles », estime une enseignante, citée par La Croix. Pour le philosophe Ruwen Ogien, rapporte Le Nouvel Obs’, le ministère laisse entendre que des enfants musulmans seraient, en tant que musulmans, les principaux responsables de l’incivilité à l’école.
Les critiques semblent avoir été entendues. Vincent Peillon récuse dans Le Monde toute « orthodoxie a rebours », soit une morale d’État qui s’opposerait frontalement aux religions. Le terrain est sensible, car le ministre s’est vu accusé il y a peu de « raviver la guerre scolaire ». Alors qu’il rappelait à l’ordre des écoles privées confessionnelles, qui organisaient des débats sur le mariage gay, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, avait été filmée défendant la réforme devant les élèves d’un établissement public. Des opposants ont dénoncé là les prémices d’une morale d’État unilatérale.
En fait, le problème vient peut-être du mot « morale » qui, pour des raisons historiques, est chargé de dogmatisme. Une solution, proposée par de nombreux professeurs, serait de commencer les cours de philosophie bien avant la classe de terminale, comme dans une majorité de pays européens. « Plutôt que d’asséner un catéchisme républicain rédigé par des pédagogues, renchérit Philosophie magazine, ne pourrait-on pas sensibiliser les enfants, dès le plus jeune âge, aux grandes notions et aux grands textes de la philosophie morale, en montrant leur utilité pratique ? »
Pour Vincent Peillon, la morale ne doit pas être « la chasse gardée » des philosophes, ni des historiens d’ailleurs. « Tous les professeurs seront formés », résume-t-il, cité par Libération, pour pouvoir assurer cet enseignement sur la base du volontariat. Reste alors à définir les modalités pratiques d’un tel cours, d’autant qu’il ferait l’objet d’une évaluation. Les élèves seraient notamment notés sur leurs capacités à argumenter, et non à défendre certains valeurs plutôt que d’autres. C’est pourtant ce qu’attendent de leurs élèves… les professeurs de philosophie.
Source : Le Monde des Religions.fr