Croyants ou non, les jeunes veulent vivre la religion autrement

Les jeunes Français sont-ils moins croyants? « La tendance dominante est à la sécularisation de la population. On constate une perte de prégnance des croyances religieuses chez les jeunes », remarque Pierre Bréchon, enseignant-chercheur à Sciences Po Grenoble. « Mais les croyances ne disparaissent pas pour autant, tempère-t-il. On va plutôt vers une relativisation de la religion. Les jeunes gardent une sorte d’espoir psycho-religieux ». Ils croiraient encore en une possible vie après la mort. Autre remarque : les jeunes s’ouvrent au spirituel, à la sérénité et à l’esprit zen.

Des jeunes qui auraient du mal à se définir concrètement, autant religieusement que politiquement. Le premier débat de l’après-midi tournait surtout autour de la valorisation de la politique chez les jeunes. Il s’agit de l’un des thèmes abordés dans le livre Une jeunesse différente? Les valeurs des jeunes Français depuis 30 ans publié par l’Injep. Le second débat a poussé plus loin l’analyse sur les valeurs religieuses. Animé par Olivier Galland, chercheur au Cnrs, il s’intitulait « Jeunes issus de l’immigration : des valeurs partagées ».

La religion suivant les générations

« 7 % des Français ont cité la religion comme élément saillant de leur identité », révèle Patrick Simon, s’appuyant sur l’enquête « Trajectoires et origines » réalisée par l’INSEE et l’INED*. Mais ce chiffre varie en fonction de l’appartenance religieuse. Seulement 8 % des catholiques considèrent leur religion comme déterminante. Ils sont en revanche plus nombreux chez les juifs (45 %) et chez les musulmans (33 %). « À noter cependant qu’il existe des disparités entre les nationalités d’origine, précise Patrick Simon : par exemple les Algériens sont plus distanciés par rapport à l’Islam ».

Autre aspect analysé : la reproductivité religieuse. « Elle est très forte chez les familles se déclarant sans religion, où 93 % des enfants se déclarent eux aussi sans religion », remarque Patrick Simon. Le taux est lui aussi élevé chez les enfants musulmans et juifs, qui sont 91 % à déclarer appartenir à la même religion que leurs parents. « L’écart est en revanche très important chez les catholiques, avec une reproductivité de seulement 25 % », précise le chercheur. L’étude prend aussi en compte les couples mixtes, où l’appartenance religieuse des enfants est de fait très variable.

Quelle est la place de la religion ?

Mais appartenir à un groupe religieux ne signifie pas tout. Un autre critère à prendre en compte est la religiosité, à savoir l’importance de la religion dans la vie des individus. « Elle est très forte dans les populations originaires du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et de Turquie, et reste faible dans la population majoritaire ainsi que dans les populations immigrées d’origine européenne », remarque Patrick Simon.

En la détaillant par groupe religieux, la religiosité concerne 25 % des catholiques, contre 75 % en ce qui concerne les juifs et les musulmans. Des chiffres qu’il faut toutefois observer plus attentivement, comme le fait remarquer le chercheur de l’Ined : « La religiosité dépend du contexte urbain. En prenant l’exemple des catholiques, on constate que la sensibilité religieuse est plus forte dans les îlots de population à forte concentration d’immigrés ».

Les jeunes musulmans plus religieux

Chez les musulmans, la religiosité s’accroît chez les jeunes générations. « Ceci s’explique par le contexte familial. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas les jeunes qui retournent à la religion. On assiste plutôt à un retour du religieux chez certaines générations de parents qui le transmettent à leur tour à leurs enfants », développe Patrick Simon. La transmission intergénérationnelle n’a donc pas disparu.

Le choix du conjoint est toujours lié à l’appartenance religieuse. 80 % des musulmans ont des conjoints musulmans. « Ceci dit, ce taux est le même chez les catholiques et chez les personnes sans religion. La mixité se traduit plutôt en fonction des pays d’origine », relève-t-il.

A noter, l’homophilie religieuse est plus faible chez les musulmans que chez les autres. Cela signifie que les jeunes musulmans fréquentent plus de jeunes pratiquant une autre religion que ne le font les catholiques. « Un constat assez logique, puisque les jeunes d’origine musulmane fréquentent des individus de toutes origines dans la vie quotidienne », explique Patrick Simon.
Mais un décalage existe au niveau des sexes. Plus de 70 % des hommes musulmans fréquentent plutôt des hommes que des femmes. Ce taux tombe à 50 % dans la population majoritaire.

« Le mariage halal »

Qu’en est-il de l’impact de la religion sur les couples musulmans? Emmanuelle Santelli, chercheuse au Cnrs, s’est essentiellement intéressée à la formation du couple chez les descendants d’immigrés maghrébins. Elle a remarqué que, « dans 64 % des cas, les couples sont mariés avant de vivre sous le même toit. Dans la population majoritaire, ce taux n’est que de 13 % ».

Mais les jeunes musulmans parviennent à faire évoluer leur rapport au couple, grâce à ce qu’ils appellent « le mariage halal ». Une manière de revendiquer leur appartenance religieuse tout en innovant. Emmanuelle Santelli a constaté que, tout en restant dans leur communauté religieuse, « ils choisissent leur conjoint, avec un même statut et des préoccupations similaires. Ils basent de plus en plus leur relation sur la passion amoureuse. Enfin, ils respectent le rite de demande en mariage pour vivre leur amour en respectant la tradition ». Une rupture radicale par rapport aux générations précédentes.

 

Source : Le Monde des Religions

 

 

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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