La Cour suprême des États-Unis vient de rendre un jugement étonnant sur le droit d’une université catholique à ne pas rembourser les moyens de contraception utilisés par ses employés.
Ainsi, en substance, les très savants juges viennent dire au bon peuple que la loi du dieu des catholiques l’emporte sur la loi des gens élus démocratiquement. Pardon, il aurait fallu écrire «que la loi du dieu des catholiques interprétée par leurs leaders non-élus l’emporte sur celles du reste de la population, dont les leaders sont, eux, des élus».
Ce jugement ouvre la porte à tous les abus. Pourquoi en effet, suivant la même logique, une entreprise musulmane américaine ne pourrait-elle pas imposer la charia non seulement à ses employés musulmans, mais aussi à ceux qui ne le sont pas? Idem pour tous les groupes religieux tordus dont les États-Unis regorgent. (Oui, j’assimile la charia à une idéologie tordue et c’est encore trop poli).
Le danger pour la démocratie est évident et immédiat. Ce jugement démontre la profondeur de l’emprise de la religion sur la politique américaine. On connaissait par-exemple les croyances religieuses de George W. Bush et leur impact sur les politiques de ce dernier au Proche et au Moyen-Orient. Le président Obama et son idéalisme tout droit descendu de ses croyances religieuses a aussi beaucoup déteint sur sa politique étrangère. Mais ce jugement dénote une incompréhension de la philosophie de la constitution américaine chez certaines élites américaines
Bien-sûr, les États-Unis ont été fondés en partie par des Anglais qui fuyaient les persécutions religieuses, ce qui peut expliquer la vigueur des lois américaines qui défendent la liberté de croyance. Mais précisément, cette liberté de croyance ne doit pas s’exercer à l’encontre de la liberté de croyances des autres, et surtout pas à l’encontre de la volonté des élus. Sans doute le débat juridique n’est-il pas complètement évident et c’est pour cette raison que la cause s’est rendue jusqu’en Cour suprême. Mais le débat politique, celui-là qui est à l’origine de la démocratie moderne, est clair : les citoyens qui se font imposer les rigueurs d’une religion contre leur volonté ne sont pas libres.
On rétorquera peut-être que les moyens de contraception sont à la portée de tous et chacun et que rien n’empêche les gens d’en acheter. C’est d’ailleurs ainsi que la Cour Suprême a justifié sa décision : le fardeau imposé aux pratiquants des autres religions ne serait pas trop lourd. Bien-entendu. Mais le débat ne se situe pas là. La question est de portée plus générale. Une nouvelle brèche vient d’être ouverte par la Cour suprême des États-Unis dans la démocratie. Il faut espérer que les théocrates ne s’y engouffreront pas trop rapidement.
Le Journal de Montréal