Cellules d’écoute, commission indépendante : Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, a annoncé, ce mardi 12 avril, de nouvelles mesures pour prévenir les dérives pédophiles et améliorer la prise en compte des victimes.
Alors que l’Assemblée plénière des évêques s’était conclue, le 18 mars dernier, sur la promesse d’annoncer rapidement de nouvelles mesures, l’archevêque de Marseille les a détaillées à l’issue de deux journées de réunion du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF) et après des semaines de tourmente déclenchée par l’affaire Preynat dans le diocèse de Lyon. « Aujourd’hui, ces affaires tragiques concernent peu de prêtres, mais n’y aurait-il qu’une seule affaire, elle serait toujours de trop », a déclaré Mgr Pontier, rappelant la nécessité de « faire la lumière » sur tous les cas, « même anciens ».
Accueillir, écouter, accompagner
Afin d’assurer que les victimes soient « accueillies, écoutées et accompagnées », le président de la CEF a annoncé la mise en place de cellules « au niveau des diocèses ou des provinces ecclésiastiques » (au nombre de 14 en France, regroupant plusieurs diocèses, ndlr), à l’exemple de celle existant déjà dans le diocèse d’Orléans. «Un site internet dédié, notamment à l’accueil des victimes, permettra à celles-ci de rentrer en contact avec cette cellule locale », a poursuivi l’archevêque de Lyon. Dès aujourd’hui et dans l’attente de la mise en place du site internet – aucune date n’a été annoncée pour son lancement – l’adresse mail paroledevictimes@cef.fr est d’ores et déjà ouverte aux victimes. L’idée d’un numéro vert, « n’a pas été retenue, a expliqué Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, porte-parole de la CEF. Il nous a semblé plus important que les victimes aient la possibilité, par Internet, de prendre le temps d’exposer leurs difficultés, avec l’assurance d’avoir une réponse. »
Autre mesure, la mise en place, « avant l’été 2016 », d’une « commission nationale d’expertise indépendante ». Elle sera « présidée par une personnalité laïque qualifiée, et composée d’experts (anciens magistrats, médecins, psychologues, parents…) » et aura « pour mission de conseiller les évêques dans l’évaluation des situations de prêtres ayant commis des actes répréhensibles », a détaillé Mgr Pontier. Et de préciser que la composition exacte de cette commission et « l’identité de la personne qui la présidera » devraient être révélées dans quelques jours.
Au sujet des « cas anciens », connus ou qui seraient apportés à la connaissance de l’Église par des victimes via l’adresse mail spécifiquement créée, Mgr Pontier a tenu à préciser l’importance d’une commission indépendante : « Nous avons une telle relation de proximité avec nos prêtres, a reconnu Mgr Pontier, que cette proximité peut ne pas nous rendre service à certains moments. » Il a également précisé que l’Eglise pouvait sanctionner un prêtre que la justice civile décidait de ne pas poursuivre ou de ne pas condamner.
Cellule permanente de lutte contre la pédophilie
Quant à la “cellule de veille” sur la pédophilie mise en place par l’épiscopat français en 2002, elle devient “cellule permanente de lutte contre la pédophilie” (CPLP) pour poursuivre et intensifier le travail mené depuis quinze ans sur ce sujet par l’Église. Elle reste présidée par l’évêque de Pontoise, Mgr Stanislas Lalanne, et poursuit le même travail, tout en accompagnant la mise en place des cellules locales d’accueil et d’écoute. La CPLP, a précisé Mgr Pontier, sera « l’interlocuteur des associations de victimes ».
Les mesures annoncées par Mgr Pontier précisent également l’attitude que les évêques sont tenus d’adopter. Ainsi, lorsqu’ils auront connaissance de faits précis, ces derniers devront désormais « prendre les mesures conservatoires nécessaires jusqu’à la décision de justice afin de tout mettre en œuvre pour protéger les enfants et les jeunes, a précisé le président de la CEF. Après la décision de justice et jusqu’au résultat de la procédure canonique, ces mesures seront ajustées. » Les évêques pourront également faire appel à la commission nationale indépendante pour les conseiller en amont de certaines nominations, notamment quand le prêtre en question a déjà été condamné et a purgé sa peine, ou quand des plaintes pour faits de pédophilie ont été déposées contre lui mais classées sans suite par la justice civile.
Concernant les « cas anciens », cet engagement « à faire ce travail comme nous le faisons sur les cas portés à notre connaissance par les victimes » témoigne d’un changement d’attitude du côté des évêques: ne plus seulement réagir aux plaintes, mais “enquêter” sur tout ce que l’on appelle les “cas limite”: les prêtres inquiétés mais jamais jugés car la justice n’a pas eu assez d’éléments, les prêtres jugés, ayant purgé leur peine et de nouveau en activité pastorale.
Olivier Ribadeau-Dumas a également rappelé la marche à suivre par un évêque confronté à un prêtre de son diocèse ayant commis des « faits coupables » : « En premier lieu, inciter la victime à porter plainte. Ensuite, demander au prêtre de se dénoncer à la justice. Si le prêtre ne se dénonce pas, effectuer un signalement auprès du procureur. »
Un site consacré à la prévention
Sur le plan de la prévention, la CEF a annoncé la mise en place, par la CPLP, d’un site internet destiné à « tous les acteurs concernés » (prêtres, éducateurs, enseignants, catéchistes, ndlr) avec tous les outils nécessaires à disposition, et notamment « un vademecum des procédures à suivre à usage des évêques ». Ce guide, destiné aux évêques sur les procédures à suivre, que Benoît XVI a demandé aux conférences épiscopales d’élaborer en 2012, l’archevêque de Marseille a reconnu qu’il n’était pas encore finalisé pour la France. Il a d’ailleurs annoncé qu’un point serait fait le 13 juin sur la mise en place de ces mesures, à l’occasion de la rencontre entre le Conseil permanent et les archevêques.
Un site internet dédié à l’écoute des victimes, un autre axé sur la prévention, une commission indépendante composée d’experts : cette série de mesures annoncées par l’Église de France fait penser à celles, mises en place en 2010 par sa voisine belge qui avait notamment instauré la commission Adriaenssens. L’Église de Belgique avait alors mis en place une commission chargée du traitement des plaintes pour abus sexuels au sein de l’Église et pris des mesures pour prévenir tout abus sexuel et comportement transgressif via des brochures et des journées de formation et de sensibilisation pour les agents pastoraux en vue de la détection des premiers signaux.
La Vie