Synode: les catholiques français partagés face aux évolutions dans l’Église

Alors que certains estiment qu’il est dans la nature de l’Église de ne pas faire évoluer sa discipline, d’autres expriment au contraire leur confiance dans les décisions du pape et des évêques. catholiques français

« Tout se passe comme si nous avions menti durant 20 ans en essayant de mettre en œuvre le magistère de Jean-Paul II et que l’Église pouvait tout remettre en cause du jour au lendemain. » Alors que le Synode sur la famille vient de s’achever, ce religieux français d’une cinquantaine d’années, spécialiste dans la préparation des couples au mariage, ne cache pas son trouble.

Évoquant sans hésiter un « climat d’incertitude créé en quelques semaines », il s’interroge franchement : « Qu’est-ce que les fidèles vont désormais attendre de nous ? Un divorcé-remarié qui ne vient à la messe qu’une fois par an va-t-il vouloir communier ? Ceux qui, en revanche, viennent chaque semaine sans jamais communier ne seront-ils pas encore plus troublés ? Ce sont là des questions très graves. L’Église n’a pas à ‘s’adapter’ à toutes les situations pour que chacun puisse faire son miel. »

« S’il y a des changements, ils s’inscriront dans la Tradition vivante de l’Église ! »

Comment réagir face aux éventuels changements qui découleraient du Synode ? Les débats des dernières semaines révèlent la différence d’attitude des catholiques si le discours et les pratiques de l’Église à l’égard des familles devaient connaître des transformations. Faut-il craindre le développement d’une forme de « confusion » ? Ou au contraire, ces réformes sont-elles nécessaires à l’adaptation de l’Église au monde d’aujourd’hui ? Même si les pères synodaux n’envisagent aucune transformation de la doctrine, les évolutions pastorales évoquées – qu’il s’agisse des divorcés-remariés, de la préparation au mariage ou du renforcement des pouvoirs des conférences épiscopales – suscitent des réactions.

À ces questions, Agnès Poinsot, responsable du service de la catéchèse dans le diocèse d’Albi, répond sans l’ombre d’un doute. « S’il y a des changements, ils s’inscriront dans la Tradition vivante de l’Église ! » Elle n’a « malheureusement pas encore eu le temps » de lire tous les articles rendant compte du travail des pères synodaux à Rome, mais elle se réjouit de la vivacité des débats : « Il n’y a pas qu’une manière de vivre la foi : on n’est pas tous pareils, riches, pauvres, de l’hémisphère Nord, de l’hémisphère Sud… Il faut des lieux où tout ceci puisse se discuter : c’est après avoir pris tous ces avis que la parole de l’Église pourra être objective »

Quant à la possibilité d’une évolution du discours de l’Église, elle ne l’inquiète aucunement. « Après tout, aujourd’hui, nous avons sept sacrements mais cela n’a pas toujours été ainsi. C’est la preuve que l’Église grandit, progresse. Si elle change, ce n’est pas qu’elle s’est trompée jusque-là mais que le monde évolue et que l’Esprit la guide ».

« Je pense que l’Église est en général bien inspirée par l’Esprit Saint »

Un sentiment partagé par Jean Bouchayer, 30 ans, Parisien, cadre dans l’industrie et membre de la communauté de l’Emmanuel. « Je pense que l’Église est en général bien inspirée par l’Esprit Saint. Depuis le début de son histoire, elle a réussi à suivre les pas du Christ, à rassembler les fidèles. Je suis plutôt confiant et essaie de ne pas être assourdi par le brouhaha médiatique. » Il affirme ne nourrir « aucune inquiétude » pour l’avenir, exprimant sa confiance absolue dans le pape et les évêques, « que le Christ nous a confiés ».

De quatre ans son cadet, Alexis Trenteseaux, originaire d’Orléans, se montre au contraire beaucoup plus méfiant. Certes, il a « confiance dans le pape », dit-il. « J’ai confiance parce qu’il sait lever le voile sur des sujets tabous, mais aussi parce qu’il n’est pas seul ».

Cadre dans une grande entreprise de services, il juge qu’une évolution de la discipline de l’Église en matière familiale pourrait désarçonner une bonne partie des catholiques français. « Nous avons été suffisamment bousculés comme ça par le gouvernement cette année… » Une évolution de l’Église lui ferait craindre un renforcement des clivages au sein de l’Église de France.

« C’est la vérité sur la personne humaine qui compte »

« L’Église ne peut pas changer la loi naturelle », tranche le P. Hubert Lelièvre, délégué épiscopal à la pastorale familiale dans le diocèse d’Avignon et fondateur de la Famille missionnaire l’Évangile de la Vie en 1995. Le pape doit confirmer ses frères dans la foi, ce n’est pas à lui de décider ce qui sera la loi naturelle ou les sacrements. La loi naturelle ne nous appartient pas, personne ne peut y toucher, elle nous a été confiée, nous en sommes responsables, mais c’est Dieu qui a donné le code génétique, la manière de se servir de la nature, au matin du monde. Ce n’est pas une question d’opinion ou de lobby. C’est la vérité sur la personne humaine qui compte ».

Pour lui, les débats entre cardinaux relève du pur « débat intellectuel », car « cela fait longtemps que les prêtres dans les paroisses sont attentifs à l’égard des personnes divorcées qui se sont remariées civilement ou des personnes qui vivent dans l’homosexualité ».

À Périgueux, le P. Emmanuel Pic parle lui aussi volontiers de la nécessité de porter son attention sur les « personnes ». Mais il en tire des conclusions très différentes de son confrère avignonnais. À 48 ans, ce prêtre, psychanalyste, souligne : « L’Église a besoin de sortir d’une vision idéalisée de l’individu, pour repartir de la personne dans ses capacités mais aussi ses faiblesses. »

Il déplore une institution tentée d’appliquer des « recettes toutes faites ». « Moi, je suis pour que nous mettions les mains dans le cambouis, plaide-t-il. Il est temps que l’Église offre des relations vraies. Sinon, elle risque de perdre certains fidèles en cours de route. »

 

La Croix

 

F. Achouri

Sociologue.

Nos services s'adressent notamment aux organisations publiques et privées désireuses de mieux comprendre leur environnement.

Articles recommandés